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NANA

plaintes de Diane d’une voix charmante. L’autre, cette grosse fille qui se tapait sur les cuisses, qui gloussait comme une poule, dégageait autour d’elle une odeur de vie, une toute puissance de femme, dont le public se grisait. Dès ce second acte, tout lui fut permis, se tenir mal en scène, ne pas chanter une note juste, manquer de mémoire ; elle n’avait qu’à se tourner et à rire, pour enlever les bravos. Quand elle donnait son fameux coup de hanche, l’orchestre s’allumait, une chaleur montait de galerie en galerie jusqu’au cintre. Aussi fut-ce un triomphe, lorsqu’elle mena le bastringue. Elle était là chez elle, le poing à la taille, asseyant Vénus dans le ruisseau, au bord du trottoir. Et la musique semblait faite pour sa voix faubourienne, une musique de mirliton, un retour de foire de Saint-Cloud, avec des éternuements de clarinette et des gambades de petite flûte.

Deux morceaux furent encore bissés. La valse de l’ouverture, cette valse au rythme polisson, était revenue et emportait les dieux. Junon, en Fermière, pinçait Jupiter avec sa blanchisseuse et le calottait. Diane, surprenant Vénus en train de donner un rendez-vous à Mars, se hâtait d’indiquer le lieu et l’heure à Vulcain, qui s’écriait : « J’ai mon plan. » Le reste ne paraissait pas bien clair. L’enquête aboutissait à un galop final, après lequel Jupiter, essoufflé, en nage, sans couronne, déclarait que les petites femmes de la terre étaient délicieuses et que les hommes avaient tous les torts.

Le rideau tombait, lorsque, dominant les bravos, des voix crièrent violemment :

— Tous ! tous !

Alors, le rideau se releva, les artistes reparurent, se tenant par la main. Au milieu, Nana et Rose Mi-