Page:Zola - Nana.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
NANA


Puis, d’un ton indifférent :

— Alors, tu m’accompagnes chez moi ?

— Mais sans doute, dit-il étonné, puisque ton enfant va mieux.

Elle regretta son histoire. Peut-être Louiset avait-il une nouvelle crise ; et elle parla de retourner aux Batignolles. Mais, comme il offrait d’y aller aussi, elle n’insista pas. Un instant, elle eut la rage blanche d’une femme qui se sent prise et qui doit se montrer douce. Enfin, elle se résigna, elle résolut de gagner du temps ; pourvu qu’elle se débarrassât du comte vers minuit, tout s’arrangerait à son désir.

— C’est vrai, tu es garçon, ce soir, murmura-t-elle. Ta femme ne revient que demain matin, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Muffat un peu gêné de l’entendre parler familièrement de la comtesse.

Mais elle appuya, demandant l’heure du train, voulant savoir s’il irait à la gare l’attendre. Elle avait encore ralenti le pas, comme très intéressée par les boutiques.

— Vois donc ! dit-elle, arrêtée de nouveau devant un bijoutier, quel drôle de bracelet !

Elle adorait le passage des Panoramas. C’était une passion qui lui restait de sa jeunesse pour le clinquant de l’article de Paris, les bijoux faux, le zinc doré, le carton jouant le cuir. Quand elle passait, elle ne pouvait s’arracher des étalages, comme à l’époque où elle traînait ses savates de gamine, s’oubliant devant les sucreries d’un chocolatier, écoutant jouer de l’orgue dans une boutique voisine, prise surtout par le goût criard des bibelots à bon marché, des nécessaires dans des coquilles de noix, des hottes de chiffonnier pour les cure-dents, des colonnes Vendôme et des obélisques portant des ther-