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LES ROUGON-MACQUART

quittez le côté jardin… Hein ? c’est entendu, côté cour et côté jardin, ou je défends à Rose de vous amener.

Quand il revint près du prince, celui-ci s’informa.

— Oh ! rien du tout, murmura-t-il d’un air calme.

Nana, debout, enveloppée dans une fourrure, attendait son entrée en causant avec ces messieurs. Comme le comte Muffat remontait pour jeter un regard sur la scène, entre deux châssis, il comprit, à un geste du régisseur, qu’il devait marcher doucement. Une paix chaude tombait du cintre. Dans les coulisses, éclairées de violentes nappes de lumière, de rares personnes, parlant à voix basse, stationnaient, s’en allaient sur la pointe des pieds. Le gazier était à son poste, près du jeu compliqué des robinets ; un pompier, appuyé contre un portant, tâchait de voir, en allongeant la tête ; pendant que, tout en haut, sur son banc, l’homme du rideau veillait, l’air résigné, ignorant la pièce, toujours dans l’attente du coup de sonnette pour la manœuvre de ses cordages. Et, au milieu de cet air étouffé, de ces piétinements et de ces chuchotements, la voix des acteurs en scène arrivait étrange, assourdie, une voix dont la fausseté surprenait. Puis, c’était, plus loin, au delà des bruits confus de l’orchestre, comme une immense haleine, la salle qui respirait et dont le souffle se gonflait parfois, éclatant en rumeurs, en rires, en applaudissements. On sentait le public sans le voir, même dans ses silences.

— Mais il y a quelque chose d’ouvert, dit brusquement Nana, en ramenant les coins de sa fourrure. Voyez donc, Barillot. Je parie qu’on vient d’ouvrir une fenêtre… Vrai, on peut crever ici !

Barillot jura qu’il avait tout fermé lui-même. Peut-être y avait-il des carreaux cassés. Les artistes se