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cette vérité sera convaincue un jour d’être une erreur ! Le pape est seul infaillible, la science est faillible, on exploite contre elle son continuel tâtonnement, on reste aux aguets pour mettre ses découvertes d’aujourd’hui en contradiction avec celles d’hier. Qu’importent, pour un catholique, ses affirmations sacrilèges, qu’importent les certitudes dont elle entame le dogme, puisqu’il est certain qu’à la fin des temps, la science et la foi se rejoindront, de façon que celle-là sera redevenue à la lettre l’humble esclave de celle-ci ? N’était-ce pas prodigieux d’aveuglement volontaire et d’impudente carrure niant, jusqu’à la clarté du soleil ? Et le petit livre infime, le manuel de vérité continuait son œuvre, en détruisant quand même l’erreur, en construisant la terre prochaine, comme les infiniment petits, les forces de la vie ont construit peu à peu les continents.

Dans la grande clarté brusque qui se faisait, Pierre enfin se sentait sur un terrain solide. Est-ce que la science a jamais reculé ? C’est le catholicisme qui a sans cesse reculé devant elle et qui sera forcé de reculer sans cesse. Jamais elle ne s’arrête, elle conquiert pas à pas la vérité sur l’erreur, et dire qu’elle fait banqueroute parce qu’elle ne saurait expliquer le monde d’un coup, est simplement déraisonnable. Si elle laisse, si elle laissera toujours sans doute un domaine de plus en plus rétréci au mystère, et si une hypothèse pourra toujours essayer d’en donner l’explication, il n’en est pas moins vrai qu’elle ruine, qu’elle ruinera à chaque heure davantage les anciennes hypothèses, celles qui s’effondrent devant les vérités conquises. Et le catholicisme, qui est dans ce cas, y sera demain plus qu’aujourd’hui. Comme toutes les religions, il n’est au fond qu’une explication du monde, un code social et politique supérieur, destiné à faire régner toute la paix, tout le bonheur possible sur la terre. Ce code, qui embrasse l’universalité des choses, devient dès lors humain, mortel comme ce qui est humain. On ne