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— Au revoir, à tout à l’heure !

Il ne put revenir que le soir, vers huit heures, après la nuit tombée. Malgré sa grande inquiétude, il était heureux : son régiment, qui ne se battait plus, venait de passer en seconde ligne, et avait reçu l’ordre de garder le quartier ; de sorte que, bivouaquant avec sa compagnie sur la place du Carrousel, il espérait pouvoir monter, chaque soir, prendre des nouvelles du blessé. Et il ne revenait pas seul, un hasard lui avait fait rencontrer l’ancien major du 106e, qu’il amenait dans un coup de désespoir, n’ayant pu trouver un autre médecin, en se disant que, tout de même, ce terrible homme, à tête de lion, était un brave homme.

Quand Bouroche, qui ne savait pour quel blessé ce soldat suppliant le dérangeait, et qui grognait d’être monté si haut, eut compris qu’il avait sous les yeux un communard, il entra d’abord dans une violente colère.

— Tonnerre de Dieu ! est-ce que vous vous fichez de moi ?… Des brigands qui sont las de voler, d’assassiner et d’incendier !… Son affaire est claire, à votre bandit, et je me charge de le faire guérir, oui ! avec trois balles dans la tête !

Mais la vue d’Henriette, si pâle dans sa robe noire, avec ses beaux cheveux blonds dénoués, le calma brusquement.

— C’est mon frère, monsieur le major, et c’est un de vos soldats de Sedan.

Il ne répondit pas, débanda les plaies, les examina en silence, tira des fioles de sa poche et refit un pansement, en montrant à la jeune femme comment on devait s’y prendre. Puis, de sa voix rude, il demanda tout à coup au blessé :

— Pourquoi t’es-tu mis du côté des gredins, pourquoi as-tu fait une saleté pareille ?

Maurice, les yeux luisants, le regardait depuis qu’il était