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La blessure n’était presque rien, une simple éraflure du cuir chevelu, qui avait saigné beaucoup. Les cheveux, que le sang collait à présent, avaient formé tampon. Aussi se garda-t-il bien de les mouiller, pour ne pas rouvrir la plaie.

— Là, tu es débarbouillé, tu as repris figure humaine… Attends encore, que je te coiffe.

Et, ramassant, à côté, le képi d’un soldat mort, il le lui posa avec précaution sur la tête.

— C’est juste ta pointure… Maintenant, si tu peux marcher, nous voilà de beaux garçons.

Jean se mit debout, secoua la tête, pour s’assurer qu’elle était solide. Il n’avait plus que le crâne un peu lourd. Ça irait très bien. Et il fut saisi d’un attendrissement d’homme simple, il empoigna Maurice, l’étouffa sur son cœur, en ne trouvant que ces mots :

— Ah ! mon cher petit, mon cher petit !

Mais les Prussiens arrivaient, il s’agissait de ne pas flâner derrière le mur. Déjà, le lieutenant Rochas battait en retraite, avec ses quelques hommes, protégeant le drapeau, que le sous-lieutenant portait toujours sous son bras, roulé autour de la hampe. Lapoulle, très grand, pouvait se hausser, lâchait encore des coups de feu, par-dessus le chaperon ; tandis que Pache avait remis son chassepot en bandoulière, jugeant sans doute que c’était assez, qu’il aurait fallu maintenant manger et dormir. Jean et Maurice, courbés en deux, se hâtèrent de les rejoindre. Ce n’étaient ni les fusils ni les cartouches qui manquaient : il suffisait de se baisser. De nouveau, ils s’armèrent, ayant tout abandonné là-bas, le sac et le reste, quand l’un avait dû charger l’autre sur ses épaules. Le mur s’étendait jusqu’au bois de la Garenne, et la petite bande, se croyant sauvée, se jeta vivement derrière une ferme, puis de là gagna les arbres.

— Ah ! dit Rochas, qui gardait sa belle confiance iné-