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il filait rapidement dans la rue de la Sous-Préfecture, il vit deux projectiles éclater, avec un fracas épouvantable, sur le pont de Meuse.

Il restait planté devant la loge du concierge, cherchant un prétexte pour demander et questionner un des aides de camp, lorsqu’une voix jeune l’appela.

— Monsieur Delaherche !… Entrez vite, il ne fait pas bon dehors.

C’était Rose, son ouvrière, à laquelle il ne songeait pas. Grâce à elle, toutes les portes allaient s’ouvrir. Il entra dans la loge, consentit à s’asseoir.

— Imaginez-vous que maman en est malade, elle s’est couchée. Vous voyez, il n’y a que moi, parce que papa est garde national à la citadelle… Tout à l’heure, l’empereur a voulu montrer encore qu’il était brave, et il est ressorti, il a pu aller au bout de la rue, jusqu’au pont. Un obus est même tombé devant lui, le cheval d’un de ses écuyers a été tué. Et puis, il est revenu… N’est-ce pas, que voulez-vous qu’il fasse ?

— Alors, vous savez où nous en sommes… Qu’est-ce qu’ils disent, ces messieurs ?

Elle le regarda, étonnée. Elle restait d’une fraîcheur gaie, avec ses cheveux fins, ses yeux clairs d’enfant qui s’agitait, empressée, au milieu de ces abominations, sans trop les comprendre.

— Non, je ne sais rien… Vers midi, j’ai monté une lettre pour le maréchal de Mac-Mahon. L’empereur était avec lui… Ils sont restés près d’une heure enfermés ensemble, le maréchal dans son lit, l’empereur assis contre le matelas, sur une chaise… Ça, je le sais, parce que je les ai vus, quand on a ouvert la porte.

— Alors, qu’est-ce qu’ils se disaient ?

De nouveau, elle le regarda, et elle ne put s’empêcher de rire.

— Mais je ne sais pas, comment voulez-vous que je