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— Ducrot reprend notre plan, toutes les troupes vont se concentrer sur le plateau d’Illy.

Et il répéta son geste, comme pour dire qu’il était trop tard.

Le bruit du canon emportait ses paroles, mais le sens en était arrivé très net aux oreilles de Maurice, qui en restait effaré. Eh quoi ! le maréchal de Mac-Mahon blessé, le général Ducrot commandant à sa place, toute l’armée en retraite au nord de Sedan ! et ces faits si graves, ignorés des pauvres diables de soldats en train de se faire tuer ! et cette partie effroyable, livrée ainsi au hasard d’un accident, au caprice d’une direction nouvelle ! Il sentit la confusion, le désarroi final où tombait l’armée, sans chef, sans plan, tiraillée en tous sens ; pendant que les Allemands allaient droit à leur but, avec leur rectitude, d’une précision de machine.

Déjà, le général Bourgain-Desfeuilles s’éloignait, lorsque le général Douay, qui venait de recevoir un nouveau message, apporté par un hussard couvert de poussière, le rappela violemment.

— Général ! général !

Sa voix était si haute, si tonnante de surprise et d’émotion, qu’elle dominait le bruit de l’artillerie.

— Général ! ce n’est plus Ducrot qui commande, c’est Wimpffen !… Oui, il est arrivé hier, en plein dans la déroute de Beaumont, pour remplacer de Failly à la tête du 5e corps… Et il m’écrit qu’il avait une lettre de service du ministre de la guerre, le mettant à la tête de l’armée, dans le cas où le commandement viendrait à être libre… Et l’on ne se replie plus, les ordres sont de regagner et de défendre nos positions premières.

Les yeux arrondis, le général Bourgain-Desfeuilles écoutait.

— Nom de Dieu ! dit-il enfin, faudrait savoir… Moi, je m’en fous d’ailleurs !