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DEUXIÈME PARTIE


I


À Bazeilles, dans la petite chambre noire, un brusque ébranlement fit sauter Weiss de son lit. Il écouta, c’était le canon. D’une main tâtonnante, il dut allumer la bougie, pour regarder l’heure à sa montre : quatre heures, le jour naissait à peine. Vivement, il prit son binocle, enfila d’un coup d’œil la grande rue, la route de Douzy qui traverse le village ; mais une sorte de poussière épaisse l’emplissait, on ne distinguait rien. Alors, il passa dans l’autre chambre, dont la fenêtre ouvrait sur les prés, vers la Meuse ; et, là, il comprit que des vapeurs matinales montaient du fleuve, noyant l’horizon. Le canon tonnait plus fort, là-bas, derrière ce voile, de l’autre côté de l’eau. Tout d’un coup, une batterie française répondit, si voisine et d’un tel fracas, que les murs de la petite maison tremblèrent.

La maison des Weiss se trouvait vers le milieu de Bazeilles, à droite, avant d’arriver à la place de l’Église. La façade, un peu en retrait, donnait sur la route, un seul étage de trois fenêtres, surmonté d’un grenier ; mais, derrière, il y avait un jardin assez vaste, dont la pente descendait vers les prairies, et d’où l’on découvrait l’immense panorama des coteaux, depuis Remilly jusqu’à Frénois. Et Weiss, dans sa ferveur de nouveau propriétaire,