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L’ASSOMMOIR.

dans… Très chic ! V’là que ça s’illumine ; des ballons rouges en l’air, et ça saute, et ça file !… Oh ! oh ! que de lanternes dans les arbres !… Il fait joliment bon ! Ça pisse de partout, des fontaines, des cascades, de l’eau qui chante, oh ! d’une voix d’enfant de chœur… Épatant ! les cascades !

Et il se redressait, comme pour mieux entendre la chanson délicieuse de l’eau ; il aspirait l’air fortement, croyant boire la pluie fraîche envolée des fontaines. Mais, peu à peu, sa face reprit une expression d’angoisse. Alors, il se courba, il fila plus vite le long des murs de la cellule, avec de sourdes menaces.

— Encore des fourbis, tout ça !… Je me méfiais… Silence, tas de gouapes ! Oui, vous vous fichez de moi. C’est pour me turlupiner que vous buvez et que vous braillez là-dedans avec vos traînées… Je vas vous démolir, moi, dans votre chalet !… Nom de Dieu ! voulez-vous me foutre la paix !

Il serrait les poings ; puis, il poussa un cri rauque, il s’aplatit en courant. Et il bégayait, les dents claquant d’épouvante :

— C’est pour que je me tue. Non, je ne me jetterai pas !… Toute cette eau, ça signifie que je n’ai pas de cœur. Non, je ne me jetterai pas !

Les cascades, qui fuyaient à son approche, s’avançaient quand il reculait. Et, tout d’un coup, il regarda stupidement autour de lui, il balbutia, d’une voix à peine distincte :

— Ce n’est pas possible, on a embauché des physiciens contre moi !

— Je m’en vais, monsieur, bonsoir ! dit Gervaise à l’interne. Ça me retourne trop, je reviendrai.

Elle était blanche. Coupeau continuait son cavalier seul, de la fenêtre au matelas, et du matelas à la fenêtre,