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LES ROUGON-MACQUART.

devenait malpropre. Ils se trouvaient tous joliment vengés des anciennes manières de la Banban, de la boutique bleue, des gueuletons, et du reste. C’était trop réussi, ça prouvait où conduisait l’amour de la frigousse. Au rencart les gourmandes, les paresseuses et les dévergondées !

— Que ça de genre ! ça vient quémander des dix sous ! s’écria madame Lorilleux derrière le dos de Gervaise. Oui, je t’en fiche, je vas lui prêter dix sous tout de suite, pour qu’elle aille boire la goutte !

Gervaise traîna ses savates dans le corridor, alourdie, pliant les épaules. Quand elle fut à sa porte, elle n’entra pas, sa chambre lui faisait peur. Autant marcher, elle aurait plus chaud et prendrait patience. En passant, elle allongea le cou dans la niche du père Bru, sous l’escalier ; encore un, celui-là, qui devait avoir un bel appétit, car il déjeunait et dînait par cœur depuis trois jours ; mais il n’était pas là, il n’y avait que son trou, et elle éprouva une jalousie, en s’imaginant qu’on pouvait l’avoir invité quelque part. Puis, comme elle arrivait devant les Bijard, elle entendit des plaintes, elle entra, la clef étant toujours sur la serrure.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ? demanda-t-elle.

La chambre était très propre. On voyait bien que Lalie avait, le matin encore, balayé et rangé les affaires. La misère avait beau souffler là-dedans, emporter les frusques, étaler sa ribambelle d’ordures, Lalie venait derrière, et récurait tout, et donnait aux choses un air gentil. Si ce n’était pas riche, ça sentait bon la ménagère, chez elle. Ce jour-là, ses deux enfants, Henriette et Jules, avaient trouvé de vieilles images, qu’ils découpaient tranquillement dans un coin. Mais Gervaise fut toute surprise de trouver Lalie couchée,