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L’ASSOMMOIR.

clouait le bec, aux bavardes ! Ce n’était plus lui, le cocu. Oh ! il savait ce qu’il savait. S’il avait eu l’air de ne pas entendre, dans le temps, c’était apparemment qu’il n’aimait pas les potins. Chacun connaît son chez soi et se gratte où ça le démange. Ça ne le démangeait pas, lui ; il ne pouvait pas se gratter, pour faire plaisir au monde. Eh bien ! et le sergent de ville, est-ce qu’il entendait ? Pourtant ça y était, cette fois ; on avait vu les amoureux, il ne s’agissait plus d’un cancan en l’air. Et il se fâchait, il ne comprenait pas comment un homme, un fonctionnaire du gouvernement, souffrait chez lui un pareil scandale. Le sergent de ville devait aimer la resucée des autres, voilà tout. Les soirs où Coupeau s’ennuyait, seul avec sa femme dans leur trou, sous les toits, ça ne l’empêchait pas de descendre chercher Lantier et de l’amener de force. Il trouvait la cambuse triste, depuis que le camarade n’était plus là. Il le raccommodait avec Gervaise, s’il les voyait en froid. Tonnerre de Dieu ! est-ce qu’on n’envoie pas le monde à la balançoire, est-ce qu’il est défendu de s’amuser comme on l’entend ? Il ricanait, des idées larges s’allumaient dans ses yeux vacillants de pochard, des besoins de tout partager avec le chapelier, pour embellir la vie. Et c’était surtout ces soirs-là que Gervaise ne savait plus s’il parlait pour rire ou pour de bon.

Au milieu de ces histoires, Lantier faisait le gros dos. Il se montrait paternel et digne. À trois reprises, il avait empêché des brouilles entre les Coupeau et les Poisson. Le bon accord des deux ménages entrait dans son contentement. Grâce aux regards tendres et fermes dont il surveillait Gervaise et Virginie, elles affectaient toujours l’une pour l’autre une grande amitié. Lui, régnant sur la blonde et sur la brune,