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LES ROUGON-MACQUART.

paraissait, les litres coulaient comme des fontaines. Cependant, Gervaise mollissait sous les coups. Elle ne répondait rien, la bouche toujours pleine, se dépêchant, comme si elle avait eu très faim. Quand ils se lassèrent, elle leva doucement la tête, elle dit :

— En voilà assez, hein ? Je m’en fiche pas mal de la boutique ! Je n’en veux plus… Comprenez-vous, je m’en fiche ! Tout est fini !

Alors, on redemanda du fromage et du pain, on causa sérieusement. Les Poisson prenaient le bail et offraient de répondre des deux termes arriérés. D’ailleurs, Boche acceptait l’arrangement, d’un air d’importance, au nom du propriétaire. Il loua même, séance tenante, un logement aux Coupeau, le logement vacant du sixième, dans le corridor des Lorilleux. Quant à Lantier, mon Dieu ! il voulait bien garder sa chambre, si cela ne gênait pas les Poisson. Le sergent de ville s’inclina, ça ne le gênait pas du tout ; on s’entend toujours entre amis, malgré les idées politiques. Et Lantier, sans se mêler davantage de la cession, en homme qui a conclu enfin sa petite affaire, se confectionna une énorme tartine de fromage de Brie ; il se renversait, il la mangeait dévotement, le sang sous la peau, brûlant d’une joie sournoise, clignant les yeux pour guigner tour à tour Gervaise et Virginie.

— Eh ! père Bazouge ! appela Coupeau, venez donc boire un coup. Nous ne sommes pas fiers, nous sommes tous des travailleurs.

Les quatre croque-morts, qui s’en allaient, rentrèrent pour trinquer avec la société. Ce n’était pas un reproche, mais la dame de tout à l’heure pesait son poids et valait bien un verre de vin. Le père Bazouge regardait fixement la blanchisseuse, sans lâcher un