Page:Zola - L'Assommoir.djvu/395

Cette page a été validée par deux contributeurs.
395
L’ASSOMMOIR.

blâma ce tas de cérémonies, ces lumières, ces voix tristes, cet étalage devant les familles. Vrai, on perdait les siens deux fois, chez soi et à l’église. Et tous les hommes lui donnaient raison, car ce fut encore un moment pénible, lorsque, la messe finie, il y eut un barbottement de prières, et que les assistants durent défiler devant le corps, en jetant de l’eau bénite. Heureusement, le cimetière n’était pas loin, le petit cimetière de la Chapelle, un bout de jardin qui s’ouvrait sur la rue Marcadet. Le cortège y arriva débandé, tapant les pieds, chacun causant de ses affaires. La terre dure sonnait, on aurait volontiers battu la semelle. Le trou béant, près duquel on avait posé la bière, était déjà tout gelé, blafard et pierreux comme une carrière à plâtre ; et les assistants, rangés autour des monticules de gravats, ne trouvaient pas drôle d’attendre par un froid pareil, embêtés aussi de regarder le trou. Enfin, un prêtre en surplis sortit d’une maisonnette, il grelottait, on voyait son haleine fumer, à chaque « de profundis » qu’il lâchait. Au dernier signe de croix, il se sauva, sans avoir envie de recommencer. Le fossoyeur prit sa pelle ; mais à cause de la gelée, il ne détachait que de grosses mottes, qui battaient une jolie musique là-bas au fond, un vrai bombardement sur le cercueil, une enfilade de coups de canon à croire que le bois se fendait. On a beau être égoïste, cette musique-là vous casse l’estomac. Les larmes recommencèrent. On s’en allait, on était dehors, qu’on entendait encore les détonations. Mes-Bottes, soufflant dans ses doigts, fit tout haut une remarque : Ah ! tonnerre de Dieu ! non ! la pauvre maman Coupeau n’allait pas avoir chaud !

— Mesdames et la compagnie, dit le zingueur aux quelques amis restés dans la rue avec la famille, si