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LES ROUGON-MACQUART.

madame Gaudron, madame Fauconnier, mademoiselle Remanjou, tout le reste de la queue. Quand le corbillard s’ébranla et descendit lentement la rue de la Goutte-d’Or, au milieu des signes de croix et des coups de chapeau, les quatre croque-morts prirent la tête, deux en avant, les deux autres à droite et à gauche. Gervaise était restée pour fermer la boutique. Elle confia Nana à madame Boche, et elle rejoignit le convoi en courant, pendant que la petite, tenue par la concierge, sous le porche, regardait d’un œil profondément intéressé sa grand’mère disparaître au fond de la rue, dans cette belle voiture.

Juste au moment où la blanchisseuse essoufflée rattrapait la queue, Goujet arrivait de son côté. Il se mit avec les hommes ; mais il se retourna, et la salua d’un signe de tête, si doucement, qu’elle se sentit tout d’un coup très malheureuse et qu’elle fut reprise par les larmes. Elle ne pleurait plus seulement maman Coupeau, elle pleurait quelque chose d’abominable, qu’elle n’aurait pas pu dire, et qui l’étouffait. Durant tout le trajet, elle tint son mouchoir appuyé contre ses yeux. Madame Lorilleux, les joues sèches et enflammées, la regardait de côté, en ayant l’air de l’accuser de faire du genre.

À l’église, la cérémonie fut vite bâclée. La messe traîna pourtant un peu, parce que le prêtre était très vieux. Mes-Bottes et Bibi-la-Grillade avaient préféré rester dehors, à cause de la quête. M. Madinier, tout le temps, étudia les curés, et il communiquait à Lantier ses observations : ces farceurs-là, en crachant leur latin, ne savaient seulement pas ce qu’ils dégoisaient ; ils vous enterraient une personne comme ils vous l’auraient baptisée ou mariée, sans avoir dans le cœur le moindre sentiment. Puis, M. Madinier