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LES ROUGON-MACQUART.

moment de rage, car la toile fendue laissait couler la plume.

— Écoutez, maman a tort, dit-il à la blanchisseuse d’une voix presque basse. Vous ne me devez rien, je ne veux pas qu’on parle de ça.

Il s’était soulevé, il la regardait. De grosses larmes aussitôt remontèrent à ses yeux.

— Vous souffrez, monsieur Goujet ? murmura-t-elle. Qu’est-ce que vous avez, je vous en prie ?

— Rien, merci. Je me suis trop fatigué hier. Je vais dormir un peu.

Puis, son cœur se brisa, il ne put retenir ce cri :

— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! jamais ça ne devait être, jamais ! Vous aviez juré. Et ça est, maintenant, ça est !… Ah ! mon Dieu ! ça me fait trop de mal, allez-vous-en !

Et, de la main, il la renvoyait, avec une douceur suppliante. Elle n’approcha pas du lit, elle s’en alla, comme il le demandait, stupide, n’ayant rien à lui dire pour le soulager. Dans la pièce d’à côté, elle reprit son panier ; et elle ne sortait toujours pas, elle aurait voulu trouver un mot. Madame Goujet continuait son raccommodage, sans lever la tête. Ce fut elle qui dit enfin :

— Eh bien ! bonsoir, renvoyez-moi mon linge, nous compterons plus tard.

— Oui, c’est ça, bonsoir, balbutia Gervaise.

Elle referma la porte lentement, avec un dernier coup d’œil dans ce ménage propre, rangé, où il lui semblait laisser quelque chose de son honnêteté. Elle revint à la boutique de l’air bête des vaches qui rentrent chez elles, sans s’inquiéter du chemin. Maman Coupeau, sur une chaise, près de la mécanique, quittait son lit pour la première fois. Mais la blanchis-