Page:Zola - L'Assommoir.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
LES ROUGON-MACQUART.

C’est moi, Blavin, que je séduis les belles…

Un tonnerre de bravos accueillit le premier couplet. Oui, oui, on allait chanter ! Chacun dirait la sienne. C’était plus amusant que tout. Et la société s’accouda sur la table, se renversa contre les dossiers des chaises, hochant le menton aux bons endroits, buvant un coup aux refrains. Cet animal de Boche avait la spécialité des chansons comiques. Il aurait fait rire les carafes, quand il imitait le tourlourou, les doigts écartés, le chapeau en arrière. Tout de suite après le Volcan d’amour, il entama la Baronne de Follebiche, un de ses succès. Lorsqu’il arriva au troisième couplet, il se retourna vers Clémence, il murmura d’une voix ralentie et voluptueuse :

La baronne avait du monde,
Mais c’étaient ses quatre sœurs,
Dont trois brunes, l’autre blonde,
Qu’avaient huit-z-yeux ravisseurs.

Alors, la société, enlevée, alla au refrain. Les hommes marquaient la mesure à coups de talons. Les dames avaient pris leur couteau et tapaient en cadence sur leur verre. Tous gueulaient :

Sapristi ! qu’est-ce qui paiera
La goutte à la pa…, à la pa… pa…,
Sapristi ! qu’est-ce qui paiera
La goutte à la pa…, à la patrou… ou… ouille !

Les vitres de la boutique sonnaient, le grand souffle des chanteurs faisait envoler les rideaux de mousseline. Cependant, Virginie avait déjà disparu deux fois, et s’était, en rentrant, penchée à l’oreille de Gervaise, pour lui donner tout bas un renseignement. La troisième fois, lorsqu’elle revint, au milieu du tapage, elle lui dit :