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LES ROUGON-MACQUART.

qu’ils vont entrer, je me placerai en face de la porte pour voir leur nez.

Le nez des Lorilleux les égayait à l’avance. Mais il s’agissait de ne pas rester planté là, à regarder la table. Les Coupeau avaient déjeuné très tard, vers une heure, avec un peu de charcuterie, parce que les trois fourneaux étaient déjà occupés, et qu’ils ne voulaient pas salir la vaisselle lavée pour le soir. À quatre heures, les deux femmes furent dans leur coup de feu. L’oie rôtissait devant une coquille placée par terre, contre le mur, à côté de la fenêtre ouverte ; et la bête était si grosse, qu’il avait fallu l’enfoncer de force dans la rôtissoire. Ce louchon d’Augustine, assise sur un petit banc, recevant en plein le reflet d’incendie de la coquille, arrosait l’oie gravement avec une cuiller à long manche. Gervaise s’occupait des pois au lard. Maman Coupeau, la tête perdue au milieu de tous ces plats, tournait, attendait le moment de mettre réchauffer l’épinée et la blanquette. Vers cinq heures, les invités commencèrent à arriver. Ce furent d’abord les deux ouvrières, Clémence et madame Putois, toutes deux endimanchées, la première en bleu, la seconde en noir ; Clémence tenait un géranium, madame Putois, un héliotrope ; et Gervaise, qui justement avait les mains blanches de farine, dut leur appliquer à chacune deux gros baisers, les mains rejetées en arrière. Puis, sur leurs talons, Virginie entra, mise comme une dame, en robe de mousseline imprimée, avec une écharpe et un chapeau, bien qu’elle eût eu seulement la rue à traverser. Celle-là apportait un pot d’œillets rouges. Elle prit elle-même la blanchisseuse dans ses grands bras et la serra fortement. Enfin, parurent Boche avec un pot de pensées, madame Boche avec un pot de réséda, madame Lerat avec une ci-