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L’ASSOMMOIR.

ensemble. Adèle, un beau matin, a emporté ses frusques, et Lantier n’a pas couru après, je vous assure.

La blanchisseuse laissa échapper un léger cri, répétant tout haut :

— Ils ne sont plus ensemble !

— Qui donc ? demanda Clémence, en interrompant sa conversation avec maman Coupeau et madame Putois.

— Personne, dit Virginie ; des gens que vous ne connaissez pas.

Mais elle examinait Gervaise, elle la trouvait joliment émue. Elle se rapprocha, sembla prendre un mauvais plaisir à recommencer ses histoires. Puis, tout d’un coup, elle lui demanda ce qu’elle ferait, si Lantier venait rôder autour d’elle ; car, enfin, les hommes sont si drôles, Lantier était bien capable de retourner à ses premières amours. Gervaise se redressa, se montra très nette, très digne. Elle était mariée, elle mettrait Lantier dehors, voilà tout. Il ne pouvait plus y avoir rien entre eux, même pas une poignée de main. Vraiment, elle manquerait tout à fait de cœur, si elle regardait un jour cet homme en face.

— Je sais bien, dit-elle, Étienne est de lui, il y a un lien que je ne peux pas rompre. Si Lantier a le désir d’embrasser Étienne, je le lui enverrai, parce qu’il est impossible d’empêcher un père d’aimer son enfant… Mais quant à moi, voyez-vous, madame Poisson, je me laisserais plutôt hacher en petits morceaux que de lui permettre de me toucher du bout du doigt. C’est fini.

En prononçant ces derniers mots, elle traça en l’air une croix, comme pour sceller à jamais son serment. Et, désireuse de rompre la conversation, elle parut s’éveiller en sursaut, elle cria aux ouvrières :