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LES ROUGON-MACQUART.

— Et si ça m’amuse de me crever, moi !… Avec ça que la vie est drôle. S’escrimer toute la sainte journée pour gagner cinquante-cinq sous, se brûler le sang du matin au soir devant la mécanique, non, vous savez, j’en ai par-dessus la tête !… Allez, ce rhume-là ne me rendra pas le service de m’emporter ; il s’en ira comme il est venu.

Il y eut un silence. Cette vaurienne de Clémence, qui dans les bastringues, menait le chahut avec des cris de merluche, attristait toujours le monde par ses idées de crevaison, quand elle était à l’atelier. Gervaise la connaissait bien et se contenta de dire :

— Vous n’êtes pas gaie, les lendemains de noce, vous !

Le vrai était que Gervaise aurait mieux aimé qu’on ne parlât pas de batteries de femmes. Ça l’ennuyait, à cause de la fessée du lavoir, quand on causait devant elle et Virginie de coups de sabot dans les quilles et de giroflées à cinq feuilles. Justement, Virginie la regardait en souriant.

— Oh ! murmura-t-elle, j’ai vu un crêpage de chignons, hier. Elles s’écharpillaient…

— Qui donc ? demanda madame Putois.

— L’accoucheuse du bout de la rue et sa bonne, vous savez, une petite blonde… Une gale, cette fille ! Elle criait à l’autre : « Oui, oui, t’as décroché un enfant à la fruitière, même que je vais aller chez le commissaire, si tu ne me payes pas. » Et elle en débagoulait, fallait voir ! L’accoucheuse, là-dessus, lui a lâché une baffe, v’lan ! en plein museau. Voilà alors que ma sacrée gouine saute aux yeux de sa bourgeoise, et qu’elle la graffigne, et qu’elle la déplume, oh ! mais aux petits ognons ! Il a fallu que le charcutier la lui retirât des pattes.