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L’ASSOMMOIR.

ses mains raidies autour de son verre, pour se réchauffer. Elle venait de chez l’épicier, où l’on gelait, rien qu’à attendre un quart de gruyère. Et elle s’exclamait sur la grosse chaleur de la boutique : vrai, on aurait cru entrer dans un four, ça aurait suffi pour réveiller un mort, tant ça vous chatouillait agréablement la peau. Puis, dégourdie, elle allongea ses grandes jambes. Alors, toutes les six, elles sirotèrent lentement leur café, au milieu de la besogne interrompue, dans l’étouffement moite des linges qui fumaient. Maman Coupeau et Virginie seules étaient assises sur des chaises ; les autres, sur leurs petits bancs, semblaient par terre ; même ce louchon d’Augustine avait tiré un coin du drap, sous le jupon, pour s’étendre. On ne parla pas tout de suite, les nez dans les verres, goûtant le café.

— Il est tout de même bon, déclara Clémence.

Mais elle faillit étrangler, prise d’une quinte. Elle appuyait sa tête contre le mur pour tousser plus fort.

— Vous êtes joliment pincée, dit Virginie. Où avez-vous donc empoigné ça ?

— Est-ce qu’on sait ! reprit Clémence, en s’essuyant la figure avec sa manche. Ça doit être l’autre soir. Il y en avait deux qui se dépiautaient, à la sortie du Grand-Balcon. J’ai voulu voir, je suis restée là, sous la neige. Ah ! quelle roulée ! c’était à mourir de rire. L’une avait le nez arraché ; le sang giclait par terre. Lorsque l’autre a vu le sang, un grand échalas comme moi, elle a pris ses cliques et ses claques… Alors, la nuit, j’ai commencé à tousser. Il faut dire aussi que ces hommes sont d’un bête, quand ils couchent avec une femme ; ils vous découvrent toute la nuit…

— Une jolie conduite, murmura madame Putois. Vous vous crevez, ma petite.