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L’ASSOMOIR.

brûlées, lorsqu’elle vit entrer l’ouvrier sale et barbu, auquel elle s’était adressée, dans la cour.

— Alors, vous avez trouvé, madame ? dit-il de son air d’ivrogne goguenard. La Gueule-d’Or, tu sais, c’est moi qui t’ai indiqué à madame…

Lui, se nommait Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif, le lapin des lapins, un boulonnier du grand chic, qui arrosait son fer d’un litre de tord-boyaux par jour. Il était allé boire une goutte, parce qu’il ne se sentait plus assez graissé pour attendre six heures. Quand il apprit que Zouzou s’appelait Étienne, il trouva ça trop farce ; et il riait en montrant ses dents noires. Puis, il reconnut Gervaise. Pas plus tard que la veille, il avait encore bu un canon avec Coupeau. On pouvait parler à Coupeau de Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif, il dirait tout de suite : C’est un zig ! Ah ! cet animal de Coupeau ! il était bien gentil, il rendait les tournées plus souvent qu’à son tour.

— Ça me fait plaisir de vous savoir sa femme, répétait-il. Il mérite d’avoir une belle femme… N’est-ce pas ? la Gueule-d’Or, madame est une belle femme ?

Il se montrait galant, se poussait contre la blanchisseuse, qui reprit son panier et le garda devant elle, afin de le tenir à distance. Goujet, contrarié, comprenant que le camarade blaguait, à cause de sa bonne amitié pour Gervaise, lui cria :

— Dis donc, feignant ! pour quand les quarante millimètres ?… Es-tu d’attaque, maintenant que tu as le sac plein, sacré soiffard ?

Le forgeron voulait parler d’une commande de gros boulons qui nécessitaient deux frappeurs à l’enclume.

— Pour tout de suite, si tu veux, grand bébé ! répondit Bec-Salé, dit Boit-sans-Soif. Ça tette son pouce