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LES ROUGON-MACQUART.

tu regarderas en l’air, bougre d’efflanqué ! les alouettes ne te tomberont pas toutes rôties !

Mais Zidore ne se pressait pas. Il s’intéressait aux toits voisins, à une grosse fumée qui montait au fond de Paris, du côté de Grenelle ; ça pouvait bien être un incendie. Pourtant, il vint se mettre à plat ventre, la tête au-dessus du trou ; et il passa les fers à Coupeau. Alors, celui-ci commença à souder la feuille. Il s’accroupissait, s’allongeait, trouvant toujours son équilibre, assis d’une fesse, perché sur la pointe d’un pied, retenu par un doigt. Il avait un sacré aplomb, un toupet du tonnerre, familier, bravant le danger. Ça le connaissait. C’était la rue qui avait peur de lui. Comme il ne lâchait pas sa pipe, il se tournait de temps à autre, il crachait paisiblement dans la rue.

— Tiens ! madame Boche ! cria-t-il tout d’un coup. Ohé ! madame Boche !

Il venait d’apercevoir la concierge traversant la chaussée. Elle leva la tête, le reconnut. Et une conversation s’engagea du toit au trottoir. Elle cachait ses mains sous son tablier, le nez en l’air. Lui, debout maintenant, son bras gauche passé autour d’un tuyau, se penchait.

— Vous n’avez pas vu ma femme ? demanda-t-il.

— Non, bien sûr, répondit la concierge. Elle est par ici ?

— Elle doit venir me prendre… Et l’on se porte bien chez vous ?

— Mais oui, merci, c’est moi la plus malade, vous voyez… Je vais chaussée Clignancourt chercher un petit gigot. Le boucher, près du Moulin-Rouge, ne le vend que seize sous.

Ils haussaient la voix, parce qu’une voiture passait dans la rue de la Nation, large, déserte ; leurs paroles,