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PRÉFACE


Je réunis, dans ce volume, les articles que j’ai donnés au Figaro, pendant ma campagne d’une année. Pourtant, on ne les y trouvera pas tous, car j’ai cru devoir mettre à part les pures fantaisies, les airs de flûte que je jouais entre deux batailles, et que je réserve pour un autre recueil. Je publie les seuls articles de polémique.

Aujourd’hui, me voilà dans la retraite. Depuis quatre mois, j’ai quitté la presse, et je compte bien n’y point rentrer, sans vouloir toutefois m’engager à cela par un serment solennel. C’est un état de bien-être profond, ce désintéressement de l’actualité, cette paix de l’esprit appliqué tout entier à une œuvre unique, surtout au sortir de seize années de journalisme militant. Il me semble qu’un peu de paix se fait déjà sur mes livres et sur mon nom, un peu de justice aussi. Sans doute, lorsqu’on ne m’apercevra plus à travers les colères de la lutte, qu’on verra simplement en moi le travailleur enfermé dans l’effort solitaire de son œuvre, la légende imbécile de mon orgueil et de ma cruauté tombera devant les faits.

En quittant la critique, j’ai voulu mettre sous les yeux du public les faits, c’est-à-dire les études de toutes sortes que j’ai écrites depuis 1865, un peu au hasard des journaux. Ce sont là les seuls documents sur lesquels on devra juger un jour le polémiste en moi, l’homme de croyance et de combat. J’ai donc recueilli ces études, je les ai groupées en volumes ; aujourd’hui, voici le dernier, qui porte à sept le nombre de ces volumes : Mes Haines, le Roman expérimental, les Romanciers naturalistes, Documents littéraires, le Naturalisme au théâtre, Nos Auteurs dramatiques, Une Campagne. Tout est là, je n’ai pas retranché une page, même parmi celles qui ont soulevé le plus de clameurs. Si des esprits impartiaux se décident à instruire mon procès, la besogne devient donc pour eux très facile. Qu’ils lisent et qu’ils prononcent. Les terribles pièces sont entre leurs mains : ils ont mes crimes, dont les bâcleurs de copie s’indignent ou se moquent depuis seize ans.

J’ai un orgueil, je l’avoue : c’est, depuis seize ans, d’avoir gardé les mêmes croyances littéraires, d’être allé tout droit mon chemin, en tâchant simplement de l’élargir sans cesse davantage. Jamais je ne me suis dérobé, ni à droite, ni à gauche. Je n’ai pas une ligne à effacer, pas une opinion à regretter, pas une conclusion à reprendre. On ne trouvera, dans mes sept volumes de critique, que le développement continu, et seulement de plus en plus appuyé, de la même idée. L’homme qui, l’année dernière, à quarante-un ans, publiait les articles d’Une Campagne, est encore celui qui, à vingt-cinq ans, écrivait Mes Haines. La méthode est restée la même, et le but, et la foi. Ce n’est pas à moi de décider si j’ai fait quelque lumière, mais je puis constater que j’ai toujours voulu la lumière par les mêmes moyens, et dans le même besoin de vérité.