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CLARA ZETKIN

coup que nous ayons assez de jardins d’enfants, de maisons d’enfants, d’écoles primaires. Des millions d’enfants grandissent sans éducation, sans instruction. Ils grandissent dans la même ignorance, dans la même absence de culture où ont grandi leurs pères et leurs grands-mères. Combien de talents ne sont-ils pas étouffés ainsi, combien de germes piétinés ! C est un crime atroce contre le bonheur de la génération montante et un vol commis au préjudice de cet État soviétique, qui va se transformer en société communiste. C’est un grave danger pour l’avenir ! »

Dans la voix d’ordinaire si calme de Lénine grondait une indignation contenue. « Comme il faut que cette question lui tienne à cœur, pensais-je en moi-même ; comme il se laisse entraîner, pour faire devant nous trois un discours d’agitation ! » Quelqu’un, je ne me rappelle plus qui, fit des observations, plaidant les circonstances « atténuantes » en faveur de certaines manifestations caractéristiques de la vie artistique et culturelle, et les expliquant d’après la situation du moment. À quoi Lénine répliqua :

« Je sais bien. Il y a des gens qui sont sincèrement convaincus qu’ils vont surmonter les difficultés et les dangers du moment avec le panem et circences. Panem, certes ! Circences, si l’on veut ! Mais qu’on n’oublie pas que les spectacles du cirque ne sont pas de l’art véritable, ne sont pas du grand art ; ils ne sont qu’une distraction plus ou moins belle. Qu’on