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CLARA ZETKIN

Père céleste » d’un côté, les sorcières et les sorciers de l’autre ».

« Ne vous plaignez pas si amèrement de l’analphabétisme, camarade Lénine, interrompis-je. Il vous a sûrement facilité, dans une certaine mesure, la Révolution. Il a préservé les cerveaux des ouvriers et des paysans qui, grâce à lui, n’ont pas été bourrés de notions bourgeoises, contaminés par les idées bourgeoises. Votre propagande et votre agitation tombent sur un terrain vierge. Il est plus facile de semer et de récolter là où il n’est pas nécessaire de commencer par arracher toute une antique forêt ».

« Oui, c’est juste, répondit Lénine, mais seulement dans certaines limites, ou plus exactement, pour une certaine période de notre lutte. Bien sûr, l’analphabétisme se conciliait avec la lutte pour la prise du pouvoir, avec la nécessité de mettre en pièces l’ancien appareil étatique. Mais ne détruisons-nous donc que pour détruire ? Nous détruisons pour construire une société meilleure. Or, l’analphabétisme se concilie mal, il ne se concilie pas du tout avec les tâches constructives ! Ainsi que Marx l’a dit, cette construction doit être l’œuvre des ouvriers eux-mêmes, et, j’ajoute, des paysans, si tous veulent devenir libres. Cela est facilité par notre système soviétique. Grâce à lui, des milliers de travailleurs font actuellement dans les Soviets et dans les organes soviétiques l’apprentissage de la construction. Ce sont des hommes et des fem-