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PRÉLIMINAIRE.

de lentilles, & obligé de lutter contre le flux qui fait remonter l’eau du Gange bien au-delà des Comptoirs Européens ſitués ſur les bords de ce fleuve.

Schandernagor venoit de ſe rendre, & je me vis au milieu de pluſieurs Tchokis Anglois qui guettoient les Fuyards. Moitié par prieres, moitié par force, j’obligeai mes Maquois de me débarquer de l’autre côté du Gange, vis-à-vis Schenſchurat. Là, excédé de fatigue & en proie au chagrin le plus noir, je tâchai d’abord de calmer les fureurs de la faim, couché ſur la terre, dans la paillotte d’un Indien. Mon inquiétude fut enſuite de ſçavoir comment je retournerois à Caſſimbazar. Aucun Maquois ne vouloit m’y conduire, dans la crainte des Anglois, dont les Ballons rempliſſoient le Gange. Le lendemain, je vis paroître un Douli[1] porté par quatre Beras : c’étoit le Maître de la paillotte qui me les amenoit. Je n’avois pas une roupie à leur offrir. Contens de ma parole, ils conſentirent à me porter à Caſſimbazar, & je quittai ma paillotte à cinq heures du matin, étonné d’avoir trouvé tant d’humanité chez des Indiens qui ne me connoiſſoient pas, qui voyoient le premier de nos Établiſſemens détruit, & qui s’expoſoient réellement en me rendant ſervice. Je me tins toujours à ſept à huit Coſſes Eſt du Gange.

Le 26 je manquai tomber entre les mains des Anglois. Mes Beras témoins du ſoin que je prenois de les éviter, crurent, qu’en m’effrayant, ils tireroient de moi quelque choſe de plus que ce que je leur avois promis, & me conduiſirent ſur le bord du Gange à une Aldée devant laquelle il y avoit quatre Ballons de Soldats blancs & de Cypayes. Heureuſement je ne fus pas découvert, & la fermeté que je montrai alors, en les menaçant de les faire mettre en priſon dans le lieu même, les fit rentrer dans le devoir. Je paſſai les rivieres de Bouhol, de Couchol, je traverſai les États du Raja Kef-

  1. Le Douli eſt un petit Palanquin leger & ſimple, dont le Bambou n’eſt pas arqué ; de maniere qu’on ne peut guere s’y tenir que couché. Il eſt plus difficile d’y garder l’équilibre que dans les Palanquins ordinaires. Dans les routes cinq Beras ſuffiſent pour le Douli.