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DISCOURS


    Cependant les Anglois, malgré leurs ſuccès, n’ont peut-être jamais été plus près d’une révolution. Toute l’Inde eſt convaincue que c’eſt pour la dépouiller de ſes trésors qu’ils ſont venus porter le fer & le feu dans ſes Ports. D’ailleurs, s’ils obligent, ce n’eſt qu’autant que leurs intérêts le leur permettent : d’abord, pour ne pas ſe brouiller avec Nana, dont la Capitale eſt à quatre journées de Bombay, ils refuſèrent de donner des troupes au Souba du Dekan paſſé Aiderabad. Auſſi voit-on les Princes du Pays avoir un reſte de compaſſion pour les François échappés au déſaſtre de leur Nation. Le caractère qu’ils remarquent en eux, leur fermeté, leur gaiete même au milieu de l’accablement ou ils ſont, ſont des traits qui confirment aux Indiens que ce qui s’eſt fait depuis M. Dupleix eſt contre le génie de ce Peuple ; & je ne crains pas de dire qu’ils ſeroient les premiers à nous offrir du ſecours ſi nous remontrions notre premiere valeur, au riſque, il eſt vrai, de les voir nous abandonner, lorſque de nouveaux changemens nous replongeroient dans l’indolence qui nous a perdus.

    Apres ces reflexions que la vu’e meme des lieux m’a fournies, il eft aifd de penfer de quelle maniere je repondrai aux quatre objections que je me ſuis faites.

    La premiere eſt fans replique, à moins qu’on ne fuive le plan que j’ai deja propofe, ou qu’on ne croie les foibles avantages que j’ai touches plus haut, preferables a la confervation de cent quatre-vingt families fur deux cents hommes, par exemple, qu’on enverra dans l’Inde.

    La feconde objection eft une erreur de fait : elle fuppofe que ce qui eft arrive ; une ou plufieurs fois, doit toujours etre de meme. Si lesrevenus de laCompagnic etoient bien adminiltres, legain dans un tems dquivaudroit en partie aux pettes que Ton auroit foufVertes dans un autre, comme on le voit actuellement dans la Compagnie Angloife. Jeconvicns cependant qu’en prenant une perodefixc de terns, comme cinquante ou cent ans, on trouveroit, comme je l’ai deja dit, qu’apres cct efpace, laperte l’emporteroit fur le gain, parce que le Commerce ordinaire eft peu confiderable en lui-même ; que les Conquetes & l’augmentation du Commerce ne peuvent fe foutenir long-tems ; & que ces difFerens avantages doivenr, à la fin etre abforbes par les frais qu’une grande Nation eft obligee de faire, pour refifter aux forces d’une Rivale egale en puiffance.

    Rien de plus juſte & de plus reel, que la troisieme objection. La Compagnie Angloife n’en fent que trqp la trifte influence. Des gens accoutumes a voir les Princes du Pays mettre a leurs pieds des laics de pagodes, a recevoir des prefens de cinquante, de cent mille roupies pour une aftaire qui fe termine en deuxheurcs, afpirent apres les resolutions, & ne peuvent fe reftraindre au gain lent que donne le Commerce. M. Spencer fut envoyé en 1764 dans le Bengale, pour retablir l’ordre dans les Cqmptoirs., & mettre un frein a cette avidite qui detronoit, & reinftalloit les Nababs a fon gre. Ses peines ontete’ vaines. Avec cinquante & cent mille livres de rente, on fejoue des Reformateurs.

    Au reſte, cette infubordination a lieu en tems de paix comme en tems de guerre. J’ai vu à Surate le Tombeau d’un Commiſſaire-Général envoyé aux Indes par la Compagnie Hollandoiſe. Les perfonnes que ſon voyage pouvoit regarder de près, trouverent le moyen de l’empêcher d’aller plus loin.

    D’ailleurs, fi la guerre influe fur l’efprit des Particuliers, on peut dire que la paix rend fouvent les Chefs de petits Tyrans ; parce que tant que les affaires font fur un bon pied, on voit rarcment les Compagnies examiner leurs rapines, & daigner ecouter les plaintes des ſubalternes.

    Mais c’eſt en vain qu’on voudroit parer a tous ces inconveniens ; ils tiennent à l’humanite. Si les Particuliers qui vont dans l’Inde, font des fujets medicicres, ils feront peu de mal & peu de bien. Si ce font des gens d’efprit, le climat les invite d’abord au libertinage ; les plaifirs confument leurs premieres années. Eſt-il furprenant qu’ils tachent enſuite d’aller vîte, pour réparer le tems