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PRÉLIMINAIRE.


    ou comme alliée aux Européens établis ſur les Côtes de la Preſqu’Ifle. L’Indien eſt naturellement doux, mais d’une douceur de nonchalance & de pareſſe. Les chaleurs exceſſives du climat ſous lequel il vit, l’énervent. L’abondance & le bas prix des vivres, lorſque les pluies viennent dans leur ſaiſon, l’invitent au repos. Le froid ne reveille pas fon induftrie. Il ignore la necelfue de fe garantir de l’intempérie de l’air par des vetemens epais & multiplies, & par des bâtimens dont les murailles ſoient revetues d’etoffes. Il n’eſt jamais mieux couche que ſur la terre ou fur un quadre de rottin : des matelats mollets l’echaufferoient trop. Un ſimple tapis, un morceau de toile, celui meme dont il ſe couvre les épaules, une natte enfin peut lui ſervir de lit. Les enfans juſqu’à fept à huit ans, abandonnes nuds dans les chemins, ne coutent à leurs parens qu’un peu de ris à l’eau.

    La lâcheté accompagne ordinairement la molleſſe. Auſſi l’Indien eſt-il foible & timide. Cette force qui repandue dans tout un Peuple conferveles Gouvernemens libres, en tenant les eſprits en haleine, epuiteroit les reiforts de ceux des Indiens. De là le Deſpotiſme général qui regne dans ces vaftes Pays. Mais la Nature ne fuit pas toujours les memes Loix ;il fe rencontre quelquefois de ces genies males que le climat n’a pit dompter. Leur ambition ne connoit de bornes que le tronc. L’Indien effraye a la vue du joug qui le menace, fait de foibles efforts ; bientot il fe laile de re’filter, & l’amour du repos le foumec. Le Conquérant qui ne doit la victoire qu’a la lachete de fes nouveaux Sujets les meprife, & croit faire beaucoup que de n’en vouloir qu’a leurs richeifes : la tyrannie devienc alors infupporcable ; aucun Particulier n’eſt ſur du peu de bien qu’il poſſède, & la vie du riche foible devient le jouet d’un pouvoir arbitraire.

    L’Indien qui vit fous ce Gouvernement en fuit les impre(Tions. Oblige de ramper, il devient fourbe, parce qu’il ne peut ſe révolter ouvertement. Comme il ne ſçait ce que les Chefs lui lailleront de ſon gain, il ſe permet l’uſure & la fraude dans le Commerce. Le mecontentement le fait cabaler ſourdement. Sujet, mais fans artachement pour fon Prince, il fe livre au premier homme extraordinaire qui fcait captiver fon admiration, Sc lui infpirer quelque confiance. D’un autre core, le Prince ignore le plailir que goute un Chef equitable Sc aime de ceux qui lui obedient. La mefiancc fait fa furere, & le vuide de ſon ame ne peut etre rempli que par les plaiſirs groſſiers que l’or ou la force lui procurent.

    La Politique de ces Princes doit tenir de leur Gouvernement : leur amitie eft fimulee. D’une main on les voit (igner un Traite, & de l’autre, ils jurent la perte de celui avec lequel ils font alliance. Le menfonge eft la bale de leurs accords, comme I’intcret ou la crainte eft le lien qui retienc leurs Sujets ; l’habilite conſiſte à bien feindre. Jamais ils ne pardonneut a parce que le repeutir : chez eux n’eft du qua la crainte, Sc des annees paflees en temoignages d’amitié ne font ſouvent qu’aiguifer le poignard qui doit frapper leur ennemi.

    Telles étoient à-peu-pres les difpofitions des lndiens, lorfquc les Européens leur demanderent des Etablirfemens dans leur Pays. La fuite de la tyrannie & l’appas du gain portoient le Peuple a defirer des Etrangers fur fes Cote ; les Princes comptoient s’en faire un rempart contre leurs voiſins, & augmenter leurs tréſors par un nouveau Commerce.

    Les vûes des Indiens ſont encore & ſeront toujours les mêmes. Les ménager adroitement eft le fcul moyen de former & de conferver dans ces Contrees des Colonies floriſſantes. La familiarire & la barbarie produiront les memes inconveniens. Une douceur molle leur paroitra foibleffe & les determinera, en cas de rupture, à ſe retirer chez votre ennemi. L’injuftice anroce leur rappellera les Princes du Pays, & révoltera les eſprits. Une confiance extrême