Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
cviij
DISCOURS

jours quelque raiſon pour aller lentement, & même s’arrêter. Le ſoir du troiſieme jour, je n’etois qu’à ſix lieues en deçà de Madras, Chef-lieu des Établiſſemens Anglois à la côte de Coromandel. Le danger & l’impatience me rendirent les forces. Je me leve & le piſtolet à la main, j’oblige mes Maquois de ramer. La mer étoit très-groſſe, & l’Équipage diminué de deux hommes qui étoient allé à terre faire de l’eau. Je me trouvai malgré cela le 4, à quatre heures du matin, à la vue de Madras. Juſqu’alors la Lune avoit éclairé ma route ; mais heureuſement elle fut quelque tems obſcurcie par des nuages. Je paſſai à deux portées de fuſil de terre, laiſſant ſur la gauche une longue file de Vaiſſeaux & autres Embarcations. Le jour me prit vis-à-vis les dernieres, & je les avois à peine paſſées, qu’un coup de canon m’annonça l’ouverture de la rade. Une demi heure plus tard, j’étois arrêté, parce qu’après le coup de Canon, les Schelingues ſe mettent en mer. D’ailleurs on m’auroit apperçu de la terre ou des Vaiſſeaux. La poſition étoit critique pour un homme qui venoit du Bengale, & que l’on auroit pu croire mieux inſtruit qu’un autre.

À deux coſſes de-là, je paſſai devant Saint-Thomé. Cette Ville, ſi célebre, par ce que les Chrétens du Pays racontent de Saint Thomas, & dont l’Évêque, Suffragant de Goa, étend ſa Juriſdiction ſur-tout ſur la Côte, ne préſente maintenant ſur le bord de la mer qu’un amas de paillottes ſéparées de l’Égliſe. Au bout de la Ville, on voit encore un reſte de Fortereſſe.

Je fis huit coſſes dans ma Schelingue preſque couvert de lames qui la balottoient étrangement, & m’arrêtai à un endroit de la Côte, abſolument inhabité. Là, je fis deſcendre mon Palanquin, tirer la Schelingue à terre, & tâchai d’y prendre quelques heures de repos. Il y avoit deux jours que je n’avois, ni mangé, ni dormi. Je fus aſſailli d’une pluie affreuſe qui, fouettée par un vent violent, me perça juſqu’aux os. Dès que le jour parut, content d’avoir paſſé Madras, je réſolus de continuer ma route par terre, ne voulant plus m’expoſer aux caprices de la mer, ni à la lenteur de mes Maquois.