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DISCOURS


J’agis prudemment, fans le ſçavoir ; trois heures après il eut eu occaſion de me faire repentir de ma ſévérité. À une demi-coſſe du Bameni nous trouvâmes le Komeria, qui tire ſon nom de la quantité de Komires (Caimans) qu’il nourrit : cette riviere étoit alors a ſec. Une coſſe & demie plus loin, eſt le Galgati, peu large, mais fort profond : nous le paſsâmes ſur un pont, & prîmes enſuite entre les montagnes, les laiſſant à l’Eſt & à l’Oueſt à une portée de canon. Toutes les Aldées étoient preſque déſertes : le Pays avoit été pillé par les Fakirs de Jagrenat. Nous trouvâmes un Tchoki près du Guinkti, riviere conſidérable ; & en-deçà de cette riviere, l’Aldée d’Arekpour. Les bords du Guinkti ſont couverts de bois remplis de Tigres. À deux coſſes du Galgati, eſt un ancien Saraï détruit.

À une demi-coſſe de ce Saraï, nous rencontrâmes l’armée des Fakirs de Jagrenat. Un Fakir de mauvaiſe mine nous avoit apris une heure auparavant que nous n’en étions pas loin. Le jour baiſſoit ; tout étoit déſolé à la ronde : j’aimai mieux m’expoſer aux Fakirs, qu’aux Tigres, & continuai ma route.

Ces Fakirs ſont des Pelerins qui ſe rendent à Jagrenat de toutes les parties de l’Aſie. Ils y vont un a un de la Prefqu’Iſle de l’Inde, du Bengale, de la Tartarie : j’y ai vu jufqu’à des Chretiens Noirs. À plufieurs coſſes de Jagrenat, les Tchokis exigent d’eux des droits aſſez conſiderables qui font partie du revenu du Rajah, qui relevc de Katck. Ils ſont encore obliges de payer deux roupies par tete aux Tchokis qui ſont a l’entree de la Ville, & de preſenter au moins une demi-roupie au premier Brahme de la Pagode, pour etre admis en la prefence de Jagrenat. Comme alors ils ne ſont pas les plus forts, ils donnent ce qu’on leur demande, & ſe dedommagent, au rctour, de cette maniere. Apres avoir fait leurs devotions, ils s’aſſemblent tous a. quclques coſſes de Jagrenat, 6c choiſiſſent un Chef auquel ils donnent l’équipage d’un Général, des Gardes, un Élephant, des Chameaux &c. Les Pelerins qui ont des armes, forment enſuite une armee partagee en differens Corps, qui marchent aſſez en ordre, mettent à contribution les Vil-