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DISCOURS.


de Balaſſor, & je tachai de gagner le Gaon [1] Sabrah, qui est à trois coſſes de Katnagar. Cette journée fut extrêmement fatiguante. Il falloit marcher à travers les terres labourées, ſans trop ſçavoir où nous allions. Je vis plusieurs champs abſolument couverts de Tcheddis, eſpèces de Sauterelles jaunes, longues d’un doigc, &c qui en s’envolant enfemble, formoient un nuage qui obſcurciſſoit l’air. Arrivé à Sabrah j’eus de la peine à engager un Payſan a donner du ris à mes gens, & quelques poignées de paille à mon cheval. Pour moi je me conrencai d’un peu de ſucre noir, détrempé dans du lait, & paſſai une fort mauvaiſe nuit, réfléchiſſant à l’impreſſion que l’affaire du Tchoki avoit faite ſur mes domeſtiques.

Je les réveillai le 25 de grand matin, & nous nous rendîmes de Sabrah au Gaon Beldah, éloigné de deux coſſes, de-là à Singas, éloigné de deux coſſes de Beldah, & nous nous arrêtâmes deux coſſes plus loin, à Monpour, grande Aldée, qui a deux codes d’étendue, & qui dépendoit alors de Porſolom Rajah. Monpour eſt précédé d’une longue avenue, ornée ſur la droite d’étangs, de boſquets, & de pluſieurs belles allées d’arbres que je ne pus m’empêcher à admirer. Les Arméniens y ont un Établiſſement conduit par quatre ou cinq perſonnes qui y font fabriquer des toiles. Je paſſai à côté des grands Angards où travailloient les Tiſſerands, & mis pied à terre ſous un arbre touffus, à côté d’un grand étang, & vis-à-vis d’une ſalle d’arbres, dont la vûe riante pouvoit me diſtraire pour le moment des craintes trop bien fondées que me donnoit l’air inquiet de mes gens. Ils avoient deſſein de m’abandonner & je le preſſentois. Ils voulurent m’engager à aller coucher dans l’Aldée, comptant fur la brune s’echapper au milieu de la foule ; & je ne voulus pas y conſentir, je ne ſçai pour quoi. J’eus même la précaution, lorfqu’ils allerent chercher des vivres, de leur faire laiſſer leur bagage. Ils revinrent en conſéquence me trouver au pied de

[1] On appelle Gaons des Hameaux qui font hors du grand chemin, compoſées de quelques paillotes ſans Moudi (Marchand de riz, de grain, de beurre), Bazar, ni Saraï.