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ÉRIC LE MENDIANT.

— Nul ne savait ce que vous étiez devenue.

— Mon père l’a voulu ainsi. Il était fort irrité contre vous, et j’ai pleuré souvent en secret.

— Bonne Marguerite !

Octave considérait la jeune fille avec une attention profonde pour découvrir sur son visage quelques traces d’une folie récente ; mais ses investigations restèrent sans résultat. Rien ne troublait en ce moment la radieuse sérénité de Marguerite, et son limpide et beau regard ne s’abaissait pas même devant l’ardent regard de son amant.

Octave lui prit la main, et bien que la confiance commençât à renaître dans son cœur, il craignait à chaque instant que quelque révélation inattendue et terrible ne vînt la lui enlever. Ses tempes battirent, un nuage passa devant ses yeux.

— Marguerite, dit-il d’une voix émue, j’ai résolu hier d’aller trouver votre père ; je lui dirai que je vous aime, que je suis libre désormais de ma fortune et de mon nom, et que ma seule ambition au monde est de vous voir partager l’une et l’autre… Croyez-vous que Tanneguy me refuse ?

— Peut-être ! répondit Marguerite.

— Qu’a-t-il à craindre cependant ?

— Oh ! rien pour vous, Octave, mais pour moi.

— Comment !

— Le passé est un triste enseignement.

— Ne l’ai-je pas assez expié ?

— Sans doute.

— Et ces deux années qui viennent de s’écouler n’ont-elles pas été une assez longue épreuve ?

— C’est vrai !

— Vous me l’avez dit vous-même ; cette séparation vous a été douloureuse.

— Dites cruelle, Octave. Nous étions seuls, loin du monde, avec l’Océan et la grève déserte pour