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menaçait, ne s’abandonna pas au désespoir. Un secret et vague pressentiment la soutenait encore dans ses incertitudes : elle rassembla toutes ses forces, et lutta courageusement contre sa propre douleur.

Un soir, le soleil disparaissait lentement derrière les hautes montagnes sur lesquelles, à voir la teinte rougeâtre dont elles étaient colorées, on eût dit que l’astre-roi eût laissé flotter un pan de son manteau de pourpre. Le calme se faisait dans les solitudes âpres et désertes, et l’ombre descendait peu à peu, s’allongeant dans la plaine. On n’entendait plus, à de rares intervalles, que le cri aigu des pâtres, ou le mugissement plaintif du bétail qu’ils ramenaient à l’étable.

Une jeune femme et un vieillard venaient de s’arrêter sur la route des Gaules, non loin de la demeure de Kerlô, et leurs regards également fixes cherchaient à distinguer les objets à travers les ténèbres qui envahissaient déjà la ferme.

Autour de l’habitation passaient, de temps à autre, des torches dont la lueur sanglante traçait dans l’ombre de lumineux sillons, et ce singulier spectacle paraissait vivement intéresser nos deux personnages ; ils suivaient avec une anxiété poignante la scène qui se passait à quelque distance, sans s’adresser une parole, livrés sans réserve aux impressions qu’elle faisait naître en eux.

En ce moment, un grand nombre de valets portant chacun une torche à la main, sortirent de la ferme et défilèrent en ordre, en se dirigeant vers la forêt ; le chapelain venait ensuite, puis, quelque chose ayant la forme d’un cercueil, puis enfin Alain, suivi de la foule des guerriers bretons tous revêtus d’habits de deuil.

Le vieillard leva les bras au ciel, et la jeune fille