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cœur est donc bien amère, puisque tu ne peux les supporter sans larmes ni sanglots ! Dieu est infiniment grand, mon enfant, il en a consolé de plus attristés, et relevé de plus malheureux !

— Bien grande est mon infortune, et bien amère est ma douleur, reprit le héros franc, l’une et l’autre sont égales dans leur grandeur, et Dieu seul pourra combler l’abîme sur le bord duquel je marche !

— Mon fils, dit encore le vieillard, la douleur ressemble au fardeau qui, trop lourd pour les épaules d’un seul homme, serait facilement porté par deux. La douleur s’oublie à s’épancher. Dis-nous les aventures qui t’ont conduit où tu es, et peut-être te trouveras-tu moins malheureux, après nous avoir dit combien tu l’étais !

Soit déférence pour son hôte, soit, comme l’avait dit celui-ci, qu’il trouvât un plaisir réel à raconter à quelqu’un sa propre infortune, le héros franc se laissa persuader et commença ainsi :

« Je suis né sur les bords d’un grand fleuve qu’on appelle la Loire, et mon père y habite, riche et honoré : jeune encore il a été élevé sur le bouclier blanc qui fait les rois, il s’appelle Sighebert, ce qui veut dire brillant par la victoire. Il possède d’immenses domaines, qu’il a conquis avec son épée, et quand il va à la guerre, dix mille héros le suivent en poussant le cri de guerre qu’ils ont appris aux pays des Francs.

L’on m’appelait Hlodowig le Franc. Les plus belles destinées m’étaient alors promises, et les chefs, fiers d’obéir à mon père, ont bien souvent prêté entre mes mains le serment de fidélité. Je vécus ainsi longtemps, apprenant à manier la francisque, et m’exerçant à la chasse et dans les combats, au rôle de chef que je devais remplir un jour. Ma seule ambition était de commander plus tard là où mon père avait com-