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UN CLAN BRETON.

ces préparatifs voulaient dire qu’une grande chasse allait avoir lieu, et l’on n’attendait plus que le fils du comte Érech pour donner le signal du départ.

Guenhael était assis gravement dans un coin de la cour, distribuant ses ordres de l’air le plus digne et caressant avec un amour presque paternel le faucon chaperonné qui se tenait roide et la tête haute sur son poing.

À en juger par les paroles qu’il échangeait avec les hommes de la cour, on aurait pu croire qu’il avait déjà absorbé la coupe de cervoise aromatisée qu’il tenait de la munificence d’Alain. Il n’en était rien cependant, car si ce dernier lui octroyait volontiers cette faveur, il lui enjoignait en même temps, par une précaution bien entendue, de ne point boire au delà de sa soif, et surtout de ne tremper ses lèvres à la coupe susdite qu’après avoir accompli les devoirs sérieux que lui imposait sa charge. Il faut dire, à la louange de Guenhael, qu’il s’estimait trop et portait trop haut l’amour de son art pour s’exposer à se compromettre dans l’exercice de ses fonctions, en se livrant prématurément à des libations périlleuses. Il plaisantait rarement avec les personnes placées sous ses ordres, et ne condescendait jamais à expliquer le mécanisme de l’art aux serfs qui lui servaient d’aides. Pour achever ce portrait, nous devons ajouter qu’il portait une tunique à plis larges, serrée à la taille, des braies descendant jusqu’aux genoux, et un bonnet fourré ou filenne, qu’aux jours de fête il remplaçait par une toque plus élégante, surmontée de plumes de milan.

De mémoire de fauconnier, jamais peut être l’affluence des veneurs n’avait été aussi grande à la ferme de Kerlô, et en regardant passer cette foule bruyante, qui allait et venait au milieu de la vaste