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GRAND’MÈRE

— Et la vieille dame qui reste chez vous, elle est toujours là ?

— Oui, toujours ; on ne voudrait pas qu’elle s’en aille.

— Elle est riche, peut-être ?

— Non, répondaient les enfants, sans plus.

— Et comment qu’elle s’appelle ?

— Elle s’appelle Grand’Mère.

— Ce n’est pas tout de même son nom ?

— Son nom, on ne le sait pas. On s’en fiche…

La femme du maçon, la grande brune qui habitait en face des Cervier et, derrière son rideau a peine soulevé, suivait ce qui se passait dans leur logement aux fenêtres presque toujours larges ouvertes, se montrait plus enragée que toutes devant ce mystère de l’inconnue tombée un jour dans cette famille ouvrière. C’était étrange ! C’était louche ! Et impossible de surprendre même une conversation en dépit des fenêtres ouvertes. La grande vieille parlait fort peu. On la voyait aller et venir dans la cuisine, dans la belle chambre des parents, s’emparer de tout le travail, du balai comme de la louche, sans que ses lèvres scellées se desserrassent.

— Ce n’est pas naturel de rester comme ça bouche close !

Quand ce fut l’hiver et que les fenêtres des Cervier furent fermées, la femme du maçon continuait d’épier de sa croisée obscure, tous feux éteints, le logement largement éclairé du serrurier.

Il y eut des conciliabules de commères dans la cour.


Un matin que Jean Cervier qui s’était blessé au pouce sur l’enclume ne travaillait pas, quelqu’un frappa à la porte. Ce fut lui qui ouvrit et il vit un agent de police.

— Vous vous appelez Cervier Jean ?

Marie accourut, anxieuse. On a beau se sentir la conscience nette comme un louis d’or, avec la police, on redoute toujours des histoires. Justement — elle en avait le pressentiment l’agent venait pour la Grand’Mère.