— Ma chérie, bientôt je ne serai plus près de toi. Mais je reviendrai vous voir.
— Oh ! pourquoi vous en aller ?
— Je ne puis demeurer à votre charge, tu comprendras plus tard. Aujourd’hui, décemment habillée, je puis trouver de l’ouvrage. Vous m’aiderez à en obtenir en me recommandant.
— C’est dur de travailler à votre âge !
— C’est encore plus dur de mendier son pain, mon petit.
Sabine la regarde de coin. Une furieuse curiosité la dévore de savoir qui est au juste cette inconnue à la fois si intime et si lointaine.
— Peut-être qu’elle a commis un grand crime et qu’elle se cache, pense la petite fille qui a lu trop de romans à la mercerie de Mme Leriche.
Lorsque tout ce monde rentre à la maison, Marie Cervier un peu fatiguée et indolente s’est mise en retard. Mon Dieu ! elle a oublié la salade que Jean réclamait déjà à midi !
— Qu’à cela ne tienne, dit la Grand’Mère, je cours l’acheter et vous la prépare.
Et c’est aussitôt fait : elle descend chez la fruitière de l’impasse, remonte, lave à grande eau la laitue fraîche, l’égoutte, l’assaisonne, pose à table le saladier.
— Comme vous êtes encore vive à votre âge ! murmure avec envie la mère de famille.
La Grand’Mère sourit de ce sourire énigmatique dont on cherche en vain le sens, mais n’ajoute rien.