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GRAND’MÈRE

tion de foot-ball au Vélodrome. Elle s’y rendit avec sa mère. Le garçon les épiait à l’entrée, bien mis, bien rasé, une cravate de bon goût et ce visage sans détour qui vous regardait jusqu’au cœur.

— Il est gentil, dit Mme Leriche.

— Oui, il n’est pas mal, dit Marie, l’air de rien.

Il s’assit, à côté d’elles, sur une banquette du cirque colossal que, çà et là, une goutte aveuglante de lumière pendue au bout d’un fil éclairait. Bientôt plus de vingt mille visages rangés en ellipse avec une régularité surprenante autour de la piste, firent à la lumière autant de réflecteurs.

Alors les jeux légers et gracieux de ces garçons bondissant, les bras levés, après une sphère volante commencèrent. Mais Marie n’y comprenait rien. Jean Cervier avait beau lui expliquer la loi.

— Qui est-ce qui a perdu ? Et qui a gagné ? demandait-elle ingénument.

— Mais voyons, disait le serrurier qui n’admettait pas qu’on méconnût l’évidence, ce sont les maillots blancs !

À partir de ce jour, Marie se sentit adorer Jean.

— Tu n’as pas l’intention, je suppose, d’épouser un ouvrier serrurier, lui disait Mme Leriche.

— Pourquoi pas ? répliquait Marie. Ton grand’père n’était-il pas maçon ?

— Oui, mais je t’ai élevée dans un commerce élégant ; ce n’est pas pour que tu aies un mari aux mains sales. Je sais que les parents du jeune Francis qui tiennent l’épicerie fine, avenue Emile-Zola, te regardent beaucoup.

— Qu’ils me regardent tant qu’ils voudront, je n’épouserai pas leur fils. C’est Jean Cervier que j’aime.

— Je me déferai de mon dépôt de Paris-Sport.

— Ce n’est pas ce qui l’empêchera de revenir chaque jour.

On envoya Marie chez une cousine à Maisons-Laffitte sous le prétexte qu’elle s’anémiait rue des Quatre-Frères. En son absence, Jean revenait à la mercerie, chaque jour, pour des nouvelles. Il était poli, doux, instruit de mille choses qu’il apprenait par ses lectures. Il intéressait Mme Leriche en dépit qu’elle en eut. Elle convenait :

— Il est bien, ce garçon. Dommage que ce ne soit