l’illumination d’un éclair, la beauté robuste, l’humble héroïsme. Si distante d’ordinaire du vieil ouvrier dont l’aspect la mortifiait, elle le prit aux épaules, abattit sa petite tête sur la poitrine où la chemise sentait encore le métal chaud :
— Cher papa ! Cher papa ! ne t’inquiète pas de moi. J’ai une vie si douce, si facile en regard de la tienne ! Je ne me fatigue guère, va ! Ce n’est pas comme toi !
— Ah ! la gosse, tu sais, ça n’est rien de se crever pour ses enfants !
Et il passa un petit souffle d’émotion sur toute la maisonnée réunie dans la cuisine. Grand’Mère, un peu lasse d’avoir couru, avenue Poincaré, avec un poids trop lourd pour son cœur, qui était celui des présents de Christian à Sabine, prit une chaise — ce qu’elle ne faisait jamais en essuyant la vaisselle.
Voilà tout le bruit que déclencha à l’impasse le drame, l’ouragan secret qui ravageait l’âme de Sabine.
Ce n’était guère qu’une petite fille, cette Sabine, mais pétrie des forces de sa caste et qui eut le courage de renvoyer sans les lire la succession de lettres que Christian de Saint-Firmin lui adressa plusieurs jours consécutifs. Elle avait trop entendu, des lèvres mêmes de son jeune ami, les raisons qu’il exposait là de continuer en aveugles leur amour : des échanges, des serments dans le vide. Sa vieille confidente l’approuvait :
— Ma Sabine, je suis sûre qu’il souffre, et plus que toi. Mais il ne peut pas t’épouser. Vous êtes trop différents l’un de l’autre pour vous donner mutuellement le bonheur. L’union conjugale n’est pas un roman. C’est une association humaine. Les parents le savent, y veillent et ils ont raison. Christian épousera quelque gentille fille de la noblesse dont il sera bien moins passionné que de toi. Mais, dans leur association, ils auront les mêmes modalités de pensée et de vie, fondées sur une éducation semblable. Ils s’entendront au sens absolu du mot.
— Oui, Grand’Mère, j’ai compris, disait mélancoliquement Sabine, mais je suis un petit peu malheureuse tout de même !
— Aie confiance en la vie, ma chérie. Dieu t’enverra