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GRAND’MÈRE

XV

SAGESSE

— Grand’Mère ! Grand’Mère ! appela Marie Cervier, Sabine est malade !

C’était le matin qui succédait à cette nuit dramatique. Un matin gris de janvier. Sabine souffrait affreusement de la tête, sans force pour se lever. « Je n’ai pas dormi de la nuit », expliquait-elle à sa mère alarmée. La vieille amie accourut, diagnostiqua une migraine tout simplement. Sabine la regardait avec insistance, ne revoyant plus en elle que la jeune femme magnifique d’il y a cinquante ans, dans la villa fleurie, sur les blancs rivages de la mer du Nord. Elle lui en voulait un peu d’avoir, par la confession ardente de cette nuit, ruiné Christian dans le procès même du vicomte Paul, et, leur amour, dans le naufrage du sien. Mais elle l’aimait bien davantage de savoir maintenant son secret, surtout son drame maternel. Elle comprenait, aujourd’hui, à la lueur d’une telle révélation, tant de choses sur Grand’Mère : sa fierté, sa sensibilité si frémissante, son amour pour Claude dans lequel — Sabine le lisait en clair désormais — son pauvre cœur retrouvait un peu le petit garçon perdu, enfin ce trésor d’affection dont elle, Sabine, était comblée par ce cœur déchiré…

« Jamais Christian n’agirait comme le vicomte Paul », disait en elle une voix passionnée. « Mais ne le vois-tu pas disposé à en faire tout autant ? » répondait sa raison implacable. Et une phrase que Grand’Mère, cette nuit, avait martelée dans son récit, s’en détachait, eût-on dit, pour résonner encore : « Le vicomte Paul obéissait à une loi qui veut que le couple soit assorti