— Oui, Grand’Mère, confessa-t-elle dans l’orgueil de sa passion, vous ne vous êtes pas trompée. Il y a un grand amour dans ma vie. J’aime un jeune homme de cinq ans plus âgé que moi qui m’adore et qui s’appelle Christian de Saint-Firmin.
Et comme elle voyait une moire d’anxiété, une ombre douloureuse passer comme celle d’un nuage sur le vieux visage chéri, elle se hâta d’ajouter :
— Nous sommes des fiancés bien sages, vous savez, Grand’Mère !
— Saint-Firmin… Saint-Firmin ? répétait la vieille amie, songeuse.
— Vous connaissez la famille de Christian ?
— Oh ! c’est un nom qui n’est pas ignoré dans la société parisienne. Mais toi, toi, petite cachottière, où t’a-t-il découverte ?
— Dans le métro, un jour… une rencontre de hasard… le coup de foudre réciproque.
— Et où pouvez-vous continuer de vous rejoindre ?
— Il a sa petite voiture personnelle dans laquelle nous nous promenons souvent. Il m’emmène pour le thé dans des endroits chic.
— Ainsi, tes courses si fréquentes dans Paris, tes visites aux étalages de luxe au profit de Mme Leriche ?
— Oui, Grand’Mère, dit Sabine, rassurée par le calme qu’affecte sa vieille amie et qui ne peut plus retenir sa confidence ni son orgueil d’amoureuse éperdue, mes courses après les jolis modèles c’étaient presque toujours nos promenades au Bois, parfois en banlieue, parfois, tout simplement jusqu’à un salon de thé du VIIIe, et aussi nos longues causeries au creux de la petite voiture bien intime, bien secrète. Christian est si tendre, si caressant, si délicat !
La vieille femme restait illisible. Sans courroux, sans blâme, avec une sorte d’impassibilité, elle laissait l’amoureuse se raconter. Enfin, elle posa une question :
— Et quelle sera la conclusion de ce joli roman ? Comment finira-t-il ? Quel rôle aura joué ce jeune homme dans ton existence ?
— Oh ! Grand’Mère, un rôle magnifique…
— Compte-t-il faire de toi une Madame de Saint-Firmin, donner à votre amour tout son sens en l’étendant