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LE SECRET DE SABINE

Débarrassée de ce pensum, elle fut libre enfin de rêver à la rencontre du fameux mardi qui venait.

Elle se trouvait seule à la maison avec Grand’Mère, ce dimanche, les parents, qu’elle avait refusé d’accompagner, s’étant rendus chez les cousins d’Ivry, avec Claude et Blanchette, pour les souhaits du nouvel an, tandis que les aînés avaient filé aux sports. Sabine demeurait là, assise sur son lit étroit, la plume encore à la main, n’ayant même pas cacheté sa lettre, quand la porte glissa doucement et qu’apparut la silhouette toujours bien droite de la vieille amie.

— Excuse-moi, ma chérie, si je viens violer ton petit domicile, ta petite retraite. Mais je crois que tu as quelque chose à me dire.

— Mon Dieu non, Grand’Mère, du moins si, j’ai toujours à vous dire des choses gentilles, comme à une personne qu’on aime très fort. Mais rien de spécial aujourd’hui en ce qui me concerne.

— Moi, je sais, Sabine que tu as un secret à me confier parce qu’il est trop lourd pour toi seule.

L’enfant qui ne respirait que l’amour de Christian, dont cet amour était tout le bien, tout l’avoir, voulut défendre son trésor caché :

— Grand’Mère, je vous assure, je n’ai rien à vous confier… Ah ! si, tenez, la lettre que je viens d’écrire au grand Henri qui m’a adressé une longue missive, ces jours-ci…

Elle se précipitait sur l’incident le plus anodin de sa vie actuelle pour y attirer l’attention de la vieille femme impossible à tromper et détourner ainsi ses yeux inquisiteurs de la tragédie bien autrement sacrée où elle et Christian jouaient leur destin.

— Je ne demande pas à lire tes lettres, chère petite. Je ne veux savoir de toi exactement que ce que tu sens le besoin de m’avouer.

Mais voici que Sabine tenait expressément à dériver sur le jeune militaire l’intérêt de Grand’Mère. Et, fouillant dans son sac, elle en tira la longue lettre d’Henri qu’elle lui mit sous les yeux aux côtés de sa réponse. La vieille femme, douée d’une vision bien rapide parcourut vite l’une et l’autre. Elle relut encore la missive