si élevées de Marie faisaient des remous dans l’âme de la jeune fille. Il y avait, dans sa conscience, des lois religieuses et sociales qu’elle ne pouvait pas braver, lui semblait-il, à cause de ses parents, à cause de sa petite sœur Blanchette, de Mamy, à cause de Dieu même. Surtout, peut-être, à cause du regard que darderait sur elle la vieille femme tutélaire qu’elle, Sabine, avait un jour, de sa petite main d’enfant, traînée jusqu’au foyer de l’impasse…
Mais alors, son pauvre amour était pour toujours perdu ? C’était trop affreux. C’était inhumain. C’était intolérable. Elle aimait tant Christian ! Comme si toute la beauté de l’univers, le bonheur de vivre se fussent condensés dans ce lumineux visage d’adolescent qu’il avait encore à vingt-trois ans. Il lui semblait que ce n’était pas trop de toute une existence pour contempler cette figure adorable. Mon Dieu ! mon Dieu ! faudrait-il donc le perdre ?
Aujourd’hui, ambition de Sabine, le rêve qu’elle fait de devenir Mme de Saint-Firmin et de régner dans le château aux quatre tourelles, s’évanouissait. Il ne restait plus dans son pauvre cœur qu’une question : vivre avec Christian ou vivre sans Christian.
À part ce dilemme, rien ne comptait plus.
Elle s’assoupit seulement au petit matin. Alors les bruits renaissant dans la maison n’interrompirent même pas son sommeil. Marie, inquiète, entr’ouvrit la porte de l’alcôve. L’enfant dormait, toute pale, mais si fortement que rien ne la réveilla.
Est-ce qu’elle n’est pas malade, Grand’Mère ? interrogea-t-elle.
— Mais non, ma fille, un peu fatiguée seulement, sans doute. Laissons-la reposer surtout !
Sabine ne sortit de l’alcôve qu’à midi, encore toute engourdie de son terrible sommeil. Personne ne la questionna. « Ah ! ce que j’ai dormi ! » Voilà tout ce qu’elle dit. Ensuite, son après-midi se passa rue des Quatre-Frères. C’est à six heures seulement qu’elle devait retrouver au pont de Grenelle la voiture de Christian, lequel avait deux cours aux Sciences Po, l’après-midi. Elle eut le temps de bâtir une chemisette avec