quatorze fois, ils se sont promenés ensemble. Ils croient bien se connaître. Cependant, Christian ne sait rien au juste de Sabine. Elle a un peu bluffé devant lui. Sans avoir menti carrément, la finette s’est arrangée pour qu’on la crût la fille d’un marchand très à l’aise. C’est-à-dire sans tenir compte de Jean Cervier, le serrurier habilement escamoté, on n’a fait état que de Mamy et de la mode élégante où la mercière en effet se spécialise de plus en plus grâce à Sabine. Parlant du magasin, elle dit volontiers : « Nous vendons ceci. Nous ne voudrions pas tenir cela ». D’ailleurs, les garçons ont moins de curiosité que les filles. Christian ne l’a jamais beaucoup poussée là-dessus. Pour elle, c’est différent. Elle voudrait pouvoir absorber, à force de questions, toute la vie de son Prince Charmant. Elle lui a demandé au début :
— Et toi, qu’est-ce que tu fais ?
— Moi ? Je fais les Sciences-Po.
— Qu’est-ce que c’est que ces sciences-là ? Je n’en ai jamais entendu parler.
— Ah ! il s’agit d’une grande école, celle des Sciences Politiques qu’on appelle ainsi parce qu’on n’y fait jamais de politique.
— Mon Dieu, Christian, comme tu dois être instruit ! Encore sur les bancs à ton âge ! Comment peux-tu emmagasiner tant de sciences dans cette tête si fine que je tiens, comme ça, entre mes deux mains !
— Oh ! tu sais, chérie, je ne suis pas un très brillant élève…
— Que tu dis ! Moi je suis sûre qu’à la fin de l’année, à ton école, tu auras tous les premiers prix !
Christian a souri à cette idée d’une distribution des prix aux Sciences Politiques. Trouver Sabine si puérile, lui a semblé délicieux, et il l’a couverte de baisers pour cette phrase.
Quelques jours plus tard, quand il l’avait de nouveau conduite à ce grand restaurant du bois de Boulogne, avant d’y pénétrer, n’avait-il pas tiré de son écrin un amour de petit bracelet imité de l’ancien, un simple anneau très mince de cuir noir durci et incrusté de petits brillants. « C’est pour moi, cela ? » n’avait-elle pu retenir tant sa joie lui semblait impossible, in-