Page:Yonge - L'héritier de Redclyffe, Vol 2, 1855.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 231 —

pas qu’Amable s’en doutât, aussi je ne la blâme pas d’avoir accepté M. Walter Morville ; d’ailleurs elle n’a jamais eu de volonté à elle.

— Ce ne serait pas une mauvaise spéculation pour lui. Elle doit avoir un beau douaire. Mais qu’est-ce qui vous fait croire cela ?

— Une foule de circonstances. Ne vous souvenez-vous pas qu’il n’a pas voulu aller à leur mariage ? Il ne parle d’elle que comme d’une sainte ; il ne peut souffrir qu’on prononce son nom, garde ses lettres pour les ouvrir quand il est seul, et semble en recevoir plus de calme que toute autre chose. Ah ! soyez sûr que c’était pour l’éviter qu’il a refusé d’aller à Venise avec eux !

— Il faut que Walter ne s’en soit pas douté, puisqu’ils sont allés le soigner eux-mêmes.

— Je ne pense pas que ni lui ni Amable s’en doutassent. Philippe a tant d’empire sur lui-même.

Les suppositions de madame Henley l’empêchèrent de parler davantage à Philippe d’Amable et de Redclyffe. Mais il avait assez à souffrir sans cela. Les défauts de sa sœur, qu’il ne pouvait s’empêcher de voir, étaient comme une exagération des siens, et lui en faisaient voir la laideur ; cependant il sentait qu’il lui devait de la reconnaissance pour la tendresse qu’elle lui témoignait, sans se douter de ce qu’elle lui faisait souvent souffrir. Il avait repris son extérieur ferme et réservé ; mais, au dedans, il avait bien des places sensibles, que les moindres allusions à Walter et à ses faux jugements faisaient douloureusement saigner.