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de vivre autant avec ces souvenirs, mais elle s’aperçut au contraire qu’ils la soutenaient, et l’aidaient à passer ce triste hiver.

Elle éprouva aussi une vive jouissance en recevant le portrait que M. Shene lui envoya. Elle n’osa pas le regarder pendant un jour ou deux, et attendit de pouvoir le faire avec calme. Ce n’était qu’un croquis, fait plutôt en vue de son usage futur que de l’exactitude des traits. Mais la figure de Walter était une de ces figures que l’on rend mieux en les idéalisant qu’en les copiant. Un artiste ordinaire aurait fait de lui un Morville, mais M. Shene avait saisi l’individu lui-même, avec un de ses regards presque célestes, l’expression de ses lèvres flexibles, la pose de sa tête et cette boucle de cheveux ondoyants ; et il lui avait donné une attitude si animée, qu’on eût dit qu’il allait s’élancer, comme disait Charles. Ce portrait fit tant de plaisir à Amy qu’elle ne le quittait plus. La nuit, elle le posait sur la cheminée avec la croix du naufrage, le dessin de Sintram et la vue de Redclyffe. Le matin, elle apportait tous ces souvenirs dans le cabinet de toilette, et les plaçait vis-à-vis du sofa avant de s’y établir.

Ses journées se passaient toutes à peu près de même. Elle se sentait toujours très faible ; elle était bien aise qu’on ne lui permît pas de descendre. Ce qu’elle désirait uniquement, c’était de se soumettre à ce que sa mère voulait, pensant que c’était peut-être la dernière fois qu’elle recevait ses soins. Elle ne songeait pas à l’avenir, et ne se demandait pas si elle attendait de