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la vue qui s’étendait au loin sur de vertes prairies, des champs et des bois d’un côté, de l’autre sur les collines escarpées et pittoresques, éclairées par un soleil d’automne. Walter observait en silence la petite fille, qui semblait ravie.

— Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, dit-elle enfin. Oh ! si Félix était ici !

— Vous aimiez bien votre petit frère, dit Walter.

— Ayez-vous connu Félix ? s’écria l’enfant. Maman ne me permet jamais de parler de lui.

Le cœur de la petite fille s’épancha bientôt ; Félix était le dernier des frères qu’elle avait perdus, et il n’était pas beaucoup plus âgé qu’elle. Elle conta à Walter quels étaient leurs jeux et comment il la conduisait à l’école, regardant avec elle aux fenêtres des magasins de Londres, et disant qu’il lui achèterait ceci et cela, quand il serait riche. Ces souvenirs, qui, pour Walter, peignaient une enfance misérable, semblaient charmants à Marianne. Elle lui conta aussi la longue maladie de son frère. Il avait été longtemps assis sur sa petite chaise, sans pouvoir jouer, et elle aimait à demeurer auprès de lui. Enfin il mourut, et on le mit dans un grand cercueil noir, d’où il ne voulut plus sortir : et depuis elle n’avait personne pour jouer avec elle. Quoique la petite fille ne pleurât pas, elle avait l’air fort triste, et Walter chercha à la consoler, mais elle ne le comprit pas. L’idée d’aller au ciel était pour elle l’équivalent de mourir, et cette pensée, jointe à un vague sentiment qu’il faut être sage, semblait être toutes les notions religieuses de la pauvre