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— Le danger d’aimer Laura ? En effet, ce serait bien étrange qu’il n’admirât pas son ouvrage. Mais il sait que c’est inutile.

— Et vous croyez que cela suffirait pour l’arrêter ? dit sa mère en souriant..

— Oui, il est justement l’homme aux grands sacrifices. Il mettra sa gloire à vaincre une passion malheureuse, en dépit des romans.

— C’est aussi ce que je pense. Il a découvert l’état de son cœur, et il fait son possible pour en arracher cet amour en évitant les tête-à-tête et les entretiens familiers. C’est là sans doute sa raison pour avoir désiré la présence de M. Thorndale, et choisi le jour du dîner. Pauvre garçon ! Combien cela doit lui coûter, et qu’il me tarde de pouvoir lui en exprimer ma reconnaissance !

— Hum ! Ce n’est pas impossible, dit Charles ; cela s’accorderait avec ce qui est arrivé le jour du bal de Lord Kilcoran, lorsqu’il sembla près de me sauter aux yeux, parce que j’avais dit un mot où il vit une allusion à une prétendue passion de Walter pour Laura. C’était une folie : j’avais eu le malheur d’appeler Walter un Pétrarque, sans songer que le nom de ce poëte rappelle celui de Laure ; mais cela l’émut d’une manière incroyable ; il ne pouvait assez me dire combien il serait malheureux pour elle d’être aimé de Walter. Or, comme, d’après tout ce que je vois, Walter n’est pas plus amoureux de Laura que de vous, maman, j’en conclus que c’est le capitaine dont le cœur est touché !

— Je suis persuadée, Charles, que vous dites vrai ;