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autres d’un plus petit volume, mais qui toutes, en bondissant sur les rochers, font l’effet de pierres à fronce ; en sorte qu’il est absolument impossible d’approcher du chemin. Quelques lochages, ne pouvant prendre cette route, en cherchent une autre, et continuent cette manœuvre jusqu’à la nuit. Quand on croit pouvoir se retirer sans être vu, on revient souper, l’arrière-garde n’ayant pas même trouvé le temps de dîner. Cependant les ennemis ne cessent pas, durant toute la nuit, de rouler des quartiers de roche : on peut en juger par le bruit. Les volontaires qui avaient le guide avec eux, ayant tourné ce mauvais pas, surprennent la garde ennemie assise auprès du feu : ils en tuent une partie, chassent les autres et restent à ce poste, se croyant maîtres de la hauteur.

Ils se trompaient : au-dessus d’eux était un mamelon près duquel se trouvait l’étroit chemin ou se tenait la garde ; toutefois, ce poste conduisait à l’endroit occupé par les ennemis, sur le chemin en vue.

On y passe la nuit. Dès que le jour paraît, on marche en ordre et en silence contre l’ennemi, et, comme il faisait du brouillard, on passe sans être vu. La reconnaissance faite, la trompette sonne ; les Grecs se jettent sur les Barbares en faisant retentir le cri militaire ; ceux-ci ne les attendent pas, mais ils s’enfuient et abandonnent la défense du chemin. Ils perdent peu de monde, étant légèrement armés. Chirisophe et ses gens, entendant la trompette, montent aussitôt par le chemin en vue ; les autres stratèges s’avancent par les sentiers non frayés qui s’offrent à chacun d’eux, et grimpent comme ils peuvent en se tirant les uns les autres avec leurs piques. Ils sont les premiers à joindre ceux qui s’étaient emparés du poste. Xénophon, avec la moitié de l’arrière-garde, s’avance par la route que suivaient ceux qui avaient le guide : c’était le chemin le plus commode pour les bêtes de somme ; l’autre moitié avait été placée par lui à la suite du bagage. Dans la marche se trouvait une colline, dominant le chemin et occupée par des ennemis qu’il fallait tailler en pièces, sous peine d’être séparés des autres Grecs. On aurait bien pris le même chemin que les autres ; mais c’était le seul par où les attelages pouvaient passer.

On s’exhorte mutuellement, et l’on s’élance vers les hauteurs par colonnes et non pas en cercle, de manière à ménager une retraite à l’ennemi, s’il voulait fuir. Les Barbares, voyant les Grecs monter comme ils peuvent, ne lancent ni flèches ni pierres sur ceux qui approchent, mais ils fuient et abandonnent